la manière de Kurt Schwitters, un homme déclame
avec véhémence un étrange poème. Le texte que récite Franco
Ferardi Bifo, philosophe italien filmé lors de sa performance
au Digital-Is-Not-Analog festival à Bologne en 2002, est en
fait le code du virus ravageur, «I love you» qui se propagea
en l'an 2000. I love you, c'est aussi le nom de
l'exposition présentée par Digitalcraft à la Transmediale.
I love You guide le visiteur dans l'univers intimidant
des hackers. Les énormes dommages provoqués par les quelque 60
000 virus connus à ce jour ont contribué à la mauvaise
réputation de ces programmeurs surdoués. Un aspect destructeur
-I love you aurait causé 8,75 milliards de dollars (1)
de dommages aux économies nationales- qui masque souvent
l'incroyable créativité de cette culture et les motivations
diverses (jeu, compétition, acte politique) des hackers qui
s'expriment ici dans de longs entretiens retranscrits.
«Bad boy». L'exposition, très didactique, retrace
l'histoire des virus depuis leur apparition il y a trente ans,
présente les différentes familles et propose même au visiteur
de créer son propre agent de contagion grâce à des postes
équipés de «Virus construction kits». Il a ensuite la
possibilité de l'activer. «Ce n'est pas très
spectaculaire, prévient Franziska Nori, de Digitalcraft,
mais pour une fois qu'on peut le faire sans avoir peur de
casser sa machine !» Autant dire que les terminaux à
disposition sont régulièrement plantés. Le visiteur peut
également propager une collection de 400 virus aux noms
évocateurs («bad boy» ou «suicide») et constater leur
effet.
Mais la section la plus insolite est celle sur langage
informatique comme source d'inspiration artistique. Les
netartistes 0100101110101101.org et EpidemiC présentent leur
création Biennale. py, le premier virus en langage Python,
réalisé pour la Biennale d'art de Venise en 2001, dont le code
raconte une sorte de surprise-partie (un virus en rencontre un
autre et ils décident de s'accoupler). Le texte était
également imprimé sur des T-shirts, ce qui a permis sa
propagation parmi les humains.
Poèmes. La programmation comme acte virtuose totalement
gratuit est incarnée par Carl Banks. Ses lignes de code
reproduisent la forme d'un avion et, lorsqu'on exécute le
programme, apparaît un simulateur de vol, concordance parfaite
entre la forme et le fond. Au-delà de sa simple
fonctionnalité, ce sont ses attraits esthétiques qu'on
découvre ici. L'exposition trace même un lien audacieux entre
les Calligrammes d'Apollinaire et les expérimentations
des poèmes en langage Perl des «Code Poets» comme Florian
Cramer.
(1) Estimation de Computer Economics, un institut de
recherche américain indépendant.